19 – Des polars du froid imaginés dans le nord-est de l’Amérique

 


(Shefferville – Source : Wikipédia)

Dans une entrevue publiée le 18 mai 2022 dans le journal Le Devoir de Montréal, Catherine Lafrance qui vient de publier son deuxième polar, Le dernier souffle est le plus lourd, rappelait qu’on oublie trop souvent notre situation géographique : « Nous sommes des Nordiques : il fait plus froid à Montréal qu’à Moscou. Il faut retrouver notre nordicité tout en étant Nord-Américains. »

Le Québec est un état nordique. Cette nordicité sert également à y camper des enquêtes policières qui donnent froid dans le dos, dans les deux sens de l’expression. Si Gilles Vigneault, notre poète national, a chanté « Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver », plusieurs auteur,es de polars noirs ont répliqué avec des scénarios tous aussi originaux les uns que les autres, « à la croisée des chemins entre le polar suédois et sa version nord-américaine ».

En voici quelques exemples publiés entre 2010 et 2023 qui ont pour cadre l’hiver ou le nord du 49e parallèle :  


François Barcelo – Le seul défaut de la neige. – Montréal : XYZ, 2010. – 146 pages.

Yannick, 22 ans, célibataire, préposé au déneigement à Saint-Christophe-de-Bougainville, reçoit un coup de fil de sa tante Estelle, une belle femme à son goût. Mais est-elle vraiment sa tante? Yannick pourrait-il s'infiltrer dans son lit pendant que son oncle policier est parti patrouiller? L'auto d'Estelle est prise dans la neige près du dépotoir. Yannick part au secours de sa tante au volant de son tracteur. Rendu sur place, il découvre un cadavre. Se débarrasser d'un cadavre, passe encore, mais un cadavre en appelle un autre. 

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Sébastien Gagnon et Michel Lemieux. – Territoire de trappe. – Montréal : Tryptique, 2022. – 240 pages.

Loin au nord du lac Saint-Jean, décembre 1913. Aux abords de la rivière Platte, aux confins de nulle part, se dressent les rares maisons croches d’un hameau sans nom. C’est là-bas, après des mois de piégeage dans les forêts boréales, que Léon redescend pour retrouver sa famille et fêter Noël. Or, à son retour, il n’a plus rien à célébrer : durant son absence, son épouse est morte de consomption et le cadavre de leur fille a été trouvé dans la Platte – un cours d’eau pourtant si peu profond. Quand Léon et ses acolytes découvrent les responsables de la tragédie, ils entament une partie de chasse d’un tout nouvel ordre. Armés de pièges et de carabines, animés par la vengeance, Léon et ses alliés s’arrêteront seulement lorsque justice sera faite. La tâche semble d’abord facile, presque trop facile, mais les femmes du village et Reth, chasseur de primes de fraîche date, se mêlent de leurs affaires et compliquent leur plan. 

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Julien Gravelle. – Nitassinan. – Marseille : Wildproject, 2020. – 400 pages.

Nitassinan : « notre terre », en langue innue. Au nord du lac Saint-Jean, au Québec, c’est un bout de forêt boréale sur laquelle peu de choses ont été écrites. Neuf récits, neuf destins, situés à neuf époques différentes à travers cinq siècles d’une histoire tumultueuse. Des chasseurs amérindiens, des colons, des coureurs des bois, un scientifique – des chiens, des ours, des caribous, des orignaux.Ces histoires cruelles et puissantes, obscurément reliées, forment la grande épopée d’une terre, le vaste roman d’un lieu.

Julien Gravelle. – Les cow-boys sont fatigués. – Montréal : Leméac, 2021. – 184 pages.

Debout devant la fenêtre de la cuisine, je regardais dehors les vieilles carlingues abandonnées dans la cour. […] Ces carcasses restaient immobiles, ourlées d’herbes sèches et blanchies par l’automne, comme des mues d’insectes séchées au soleil. Je les regardais dans la lueur du zénith et je me disais que moi aussi finalement, j’étais peut-être bien une espèce en voie de disparition.

Au bout d’un chemin de débardage laissé à l’abandon, quelque part entre les rivières Mistassini et Ouasiemsca – aussi bien dire au creux du monde –, Rozie vit seul avec ses chiens. Le lieu lui convient très bien. La solitude aussi. Mais son travail, beaucoup moins. Il doit fabriquer dans son laboratoire clandestin des amphétamines pour le compte d’une bande de trafiquants. Il voudrait bien passer à autre chose. Mais son passé le rattrape. Et il risque de tout perdre. 

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Isabelle Grégoire. – Fille de fer. Montréal : Québec Amérique, 2019. – 240 pages.

Seule femme dans un monde d’hommes qui lui est hostile, Marie est conductrice de train minier dans le Nord québécois. Un soir de tempête, son convoi s’immobilise. Déraillement ? Elle se précipite au-dehors pour mesurer les dégâts et se retrouve face contre neige, blessée. Elle est recueillie par un mystérieux ermite, envoûtant et lettré. Sur fond de préoccupations environnementales, de tensions entre Blancs et autochtones, se tisse une histoire d’amour. Une histoire périlleuse et sauvage, comme le territoire que Marie sillonne avec son train. 

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Isabelle Lafortune. – Terminal Grand Nord. – Montréal : XYZ, 2019. – 350 pages.  Avis de lecture

Avril 2012. Les corps de Natasha et de sa soeur Gina sont retrouvés aux abords d’un sentier de motoneige de Schefferville. L’inspecteur Émile Morin, dépêché sur place par un gouvernement qui craint le scandale, a beau fouiller, personne ne se rappelle avoir croisé les deux jeunes Innues originaires de Maliotenam, quelques centaines de kilomètres plus au sud. Devant une situation où s’entremêlent des réalités culturelles, sociales et politiques complexes, se frayer un chemin vers la vérité n’est pas chose simple. L’inspecteur emmène donc avec lui son bon ami l’écrivain Giovanni Celani, un habitué de la région, pour l’aider à naviguer dans le climat de tension de cet ancien eldorado minier. Leurs théories seront constamment ébranlées par les phrases cryptiques de Sam, un Innu de la réserve voisine, philosophe à ses heures et gardien des secrets de chacun. Alors qu’émergent regrets et demi-vérités, l’inspecteur Morin devra trouver à qui s’allier pour empêcher que l’horreur ne se répète.

Isabelle Lafortune. – Chaîne de glace. – Montréal : XYZ, 2022. – 456 pages.  Avis de lecture

Sept ans ont passé depuis les événements ayant ébranlé Schefferville, mais Émile Morin n’a jamais tourné la page. Son obsession pour la Métald’Or et autres pilleurs du Nord en mal d’éthique l’a mené à prendre la tête d’une unité spéciale dédiée à ces dossiers, et à creuser, creuser encore. Faute de résultats probants, ou peut-être justement parce qu’il est sur le point d’en livrer, voilà qu’il sent son soutien politique vaciller. Sa santé mentale également. L’enquêteur Morin a besoin d’une victoire. Pour prouver à sa hiérarchie qu’il avait raison de sonner l’alerte au sujet des minières ; pour convaincre Giovanni qu’il a fait le bon choix en endossant l’uniforme… Mais aussi pour rebâtir le lien de confiance l’unissant à sa fille, de plus en plus distante. C’est du côté de Havre-Saint-Pierre, sur le site de la centrale hydroélectrique La Romaine-1 où un cadavre a été découvert, qu’il sera mis devant le premier maillon d’une chaîne de conséquences le menant, peut-être, vers la vérité. 

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Catherine Lafrance. – L’étonnante mémoire des glaces. – Montréal : Druide, 2022. – 424 pages.  Avis de lecture

La pluie verglaçante est tombée toute la nuit. Montréal ressemble à une patinoire. Dans la salle de rédaction à moitié vide d’un quotidien, où traînent encore des guirlandes de Noël, des reporters rentrent lentement au travail, tandis qu’à Saint-Albert-sur-le-Lac, village aux allures de carte postale niché au cœur des Cantons-de-l’Est, on constate les conséquences tragiques d’un incendie. Le journaliste Michel Duquesne est dépêché sur place. Une révélation étonnante, puis des traces emprisonnées dans la glace vont l’amener sur une piste qui l’exposera à des dangers insoupçonnés, tout en réveillant en lui des monstres de son enfance. Au grand dam de ses patrons, Duquesne n’en fera qu’à sa tête pour aller au fond de cette affaire.

Catherine Lafrance. – Le dernier souffle est le plus lourd. – Montréal : Druide, 2023. – 408 pages.

Dans une ville paralysée par une tempête de neige, l’intuition de Michel Duquesne le pousse à s’interroger sur les circonstances d’un drame énigmatique. Cette piste va le plonger au cœur de l’industrie pharmaceutique, où il découvrira à quel point la corruption sévit. Les ramifications de cette nouvelle enquête le mèneront dans l’antichambre du pouvoir politique, à Québec et à Ottawa. Le premier ministre serait-il mêlé à tout cela ? Le journaliste, en levant le voile sur ces fraudes, mesurera à quel point l’existence humaine compte parfois pour bien peu quand l’avidité est le moteur de toute action. Pendant ce temps, sa vie personnelle et celle d’Odile, sa conjointe, seront bouleversées par une découverte inattendue. Alors qu’il se croyait à l’abri, dans sa bulle familiale, il devra se battre pour qu’elle n’éclate pas. 

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Ronald Lavallée. – Tous des loups. – Montréal : Fides, 2022. – 328 pages.

Dans un village isolé et inhospitalier du Nord canadien, la rumeur court. Un homme en fuite, accusé d’avoir assassiné froidement sa femme et son enfant, se terrerait dans la forêt boréale. Matthew Callwood arrive tout juste en poste dans la région. Jeune policier idéaliste et téméraire, il est rapidement confronté à ses collègues qui boivent et fricotent avec les trafiquants du coin. Malgré tout déterminé à relever la trace du meurtrier en cavale, Callwood entreprend une traque sans relâche dans un dédale de lacs et marais aux confins indéfinissables. Au fil des mois, le policier découvre qu’il a affaire à plus fort que lui. Le chasseur devient le chassé. Sur un territoire démesuré au climat impitoyable, la nature sauvage, surtout celle de l’homme, reprend toujours ses droits. 

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Martin Michaud. – Jusqu’au dernier cri. – Montréal : Libre expression, 2021. – 305 pages.  Avis de lecture

Dans une mine de Matagami, un homme retient huit otages après une transaction de drogue qui a mal tourné – trois membres d'un puissant cartel de trafiquants d'opium ont été assassinés. Seule personne à qui le preneur d'otages accepte de parler, Victor se rend sur les lieux à la demande de la GRC, mais rien ne se passe comme prévu. Avec Jacinthe, il se retrouve catapulté sur les traces de l'auteur du triple meurtre. Les deux enquêteurs du SPVM ne sont toutefois pas les seuls à ses trousses ; des hommes de main du cartel le cherchent également sans relâche dans l'espoir de venger les leurs, mais surtout de récupérer la mallette qui était menottée au poignet de l'une des victimes.Chasse à l'homme effrénée en plein blizzard sur les routes enneigées du Nord-du-Québec, cette sixième enquête de Victor Lessard le plongera au cœur des préoccupations d'un monde en perte de repères et lui offrira l'occasion de réaffirmer le caractère indéfectible de son amitié pour Jacinthe au moment où ils ont le plus besoin l'un de l'autre. 

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Louise Penny. – Sous la glace. – Montréal : Flammarion Québec, 2011. – 384 pages. 

L’hiver a enveloppé de neige le village endormi de Three Pines. Le temps des fêtes appelle à la paix et aux bons sentiments, jusqu’à ce qu’un cri déchire l’air glacé. Un meurtre a été commis : une spectatrice de la traditionnelle partie de curling a été électrocutée sous les yeux de tous, au beau milieu d’un lac gelé. Pour diriger l’enquête, l’inspecteur-chef Armand Gamache revient dans la charmante communauté anglophone. Avec minutie, il dévoile le passé de la victime et découvre un écheveau de secrets et de rivalités. Gamache a cependant ses propres ennemis au sein de la Sûreté du Québec ; il sait qu’il ne peut se fier à personne. Tandis qu’un vent mordant souffle sur Three Pines, une menace plus glaçante encore plane sur lui.

Louise Penny. – Enterrez vos morts. – Montréal : Flammarion Québec, 2013. – 464 pages.

Tandis que le Vieux-Québec scintille sous la neige et s’égaye des flonflons du carnaval, Armand Gamache tente de se remettre du traumatisme d’une opération policière qui a mal tourné. Mais, pour l’inspecteur-chef de la SQ, impossible d’échapper longtemps à un nouveau crime, surtout lorsqu’il survient dans la vénérable Literary and Historical Society, une institution de la minorité anglophone de Québec. La victime est un archéologue amateur connu pour sa quête obsessive de la sépulture de Champlain. Existerait-il donc, enfoui depuis quatre cents ans, un secret assez terrible pour engendrer un meurtre ? Confronté aux blessures de l’histoire, hanté par ses dernières enquêtes, Gamache doit replonger dans le passé pour pouvoir enfin enterrer ses morts.

Louise Penny. – La Faille en toute chose. – Montréal : Flammarion Québec, 2014. – 512 pages.

Noël approche, mais l’inspecteur-chef Armand Gamache n’a pas le cœur à la fête. Ses meilleurs agents ont quitté la section des homicides et Jean-Guy Beauvoir, son fidèle lieutenant, travaille désormais pour son pire ennemi, le directeur général Francœur. Aussi saisit-il l’occasion de se réfugier à Three Pines quand Myrna lui demande son aide pour retrouver une amie disparue. Cette piste l’entraîne jusqu’à la naissance quasi miraculeuse de quintuplées dans le noir Québec des années 1930. Aujourd’hui, d’autres ombres menacent la province et Gamache doit combattre sur plusieurs fronts, car un complot sordide se trame à la Sûreté. 

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Christian Ricard. – Une piste sanglante. – Montréal : Pierre Tisseyre, 2022. – 176 pages.

Tout a commencé par la mort du vieux. Cancer. Celui des poumons et d'une vie gaspillée à vider des bières, à pelleter des nuages et à remplir des machines à sous… Toujours, il avait compté sur les autres, sur moi, pour le garder à flot de sa misère. Je devais me tenir à l'écart, sans jamais y parvenir: c'était mon père. Et maintenant qu'il était parti, je me sentais vide. C'est là que j'ai eu une soudaine envie d'espace. Sur un coup de tête, j'ai décidé de filer vers Natashquan pour trouver Waban, un vieil ami de p'pa, et peut-être me retrouver en chemin. Je dois dire qu'en grimpant dans ma Subaru, j'étais loin de me rendre compte que je m'apprêtais à remonter une piste sanglante…  

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Olivier Challet. – Série éliminatoire. – Montréal : Éditions du Boréal, 2023. – 371 pages.

Montréal n’a pas encore eu le temps de se remettre des excès du 31 décembre que le premier homicide de l’année est déjà annoncé : un agent du SPVM habillé en civil a été étranglé dans le parc Jarry. Alors que les médias s’affairent à la recherche d’un scoop, la direction de la police met la pression sur ses troupes : il faut des réponses pour rassurer la population et montrer que le meurtre d’un policier ne reste jamais longtemps impuni.

Ces réponses, c’est au lieutenant-détective Jack Barral et à ses collègues de la division des crimes majeurs qu’il incombera de les trouver. Très vite, ils se rendront compte que le quotidien banal et fade de la victime dissimule un univers beaucoup plus sombre et ils n’auront d’autre choix que de se lancer, en plein hiver, dans une folle course contre la montre à l’échelle du Québec.