23 – Les éditions Alire et la revue Alibis : un projet utopique devenu un fleuron québécois de la littérature de genre

  


Dans la région de la capitale nationale du Québec, une maison d’édition se spécialise dans la publication des littératures policières (thrillers, suspense, noir, mystère, détective, espionnage) et des littératures de l’imaginaire (science-fiction, fantastique et fantasy).

Fondée à Beauport le 17 mai 1996, Alire, la première maison d’édition québécoise essentiellement dédiée aux littératures dites « de genre » s’est alors donné comme mission de « développer, publier et promouvoir les écrits de divers genres littéraires des auteurs francophones d’Amérique ». Après plusieurs semaines d’efforts, le trio composé de Louise Alain, directrice du marketing, Lorraine Bourassa, directrice administrative et Jean Pettigrew, directeur éditorial se lançaient dans l’aventure. Trois mois plus tard, ils publiaient leurs trois premiers titres.

En introduction au catalogue 2022-2023, Jean Pettigrew, originaire de Saint-Pacôme dans le comté de Kamouraska, qui s'est lancé dans le métier d’éditeur en commençant par travailler aux éditions Québec Amérique, explique comment les premières années ont été difficiles : « il a fallu présenter, expliquer, comparer, démontrer... Tout comme pour le cinéma des années 90, accoler l'adjectif ‘’québécois’’ aux ‘’genres littéraires’’, eux aussi considérés comme l'apanage des seuls Anglo-Saxons, n'allait pas de soi, peu s'en faut ! »

 

« À l’époque, ce projet ressemblait à une utopie. Peu de gens croyaient que nous pourrions trouver, au Québec et au Canada francophone, suffisamment d’auteurs de littérature de genre pour alimenter la maison avec des titres aptes à concurrencer ceux provenant des États-Unis ou de la France. »

 

Dans le domaine des littératures du crime, puisqu’il s’agit de l’objet de cette chronique, la jeune maison d’édition avait alors « des arguments de taille » avec des auteurs comme Jean-Jacques Pelletier, Patrick Senécal, Jacques Côté, Maxime Houde. Depuis, les éditions Alire ont publié plus d’une trentaine d’auteur,es, « tous plus originaux et talentueux les uns que les autres » :

Quatre-vingt-trois romans policiers et d’espionnage d’auteurs québécois (les liens hypertextes donnent accès au synopsis de chaque ouvrage)


 Baranger, Luc

            Beaulieu, Natasha

            Bissonnette, Jacques

            Blouin, Geneviève

            Bouchard, Camille

            Côté, Jacques

            Fleury, Jean Louis

            Houde, Maxime      

            Jobin, Michel          

            Lévesque, François           

            Malacci, Robert

            Noël, Lionel

Pelletier, Jean-Jacques

            Senécal, Patrick

            Ste-Marie, Richard

            Sylvestre, Catherine

Vincent, Pauline


Trente-six romans policiers et d’espionnage d’auteurs canadiens 


Arthurson, Wayne

            Brady, Liz

            King, Thomas

            Mofina, Rick

            Stewart, Sean

            Wright, Eric  


Cinq recueils de nouvelles 


Pelletier, Jean-Jacques

Gélinas, Ariane & Martineau, Maureen

Sellers, Peter

 

Cinq guides de lecture analytiques 


Spehner, Norbert

* * * * * 

D’abord publiés en petits formats (10,5 x 17,5 cm), plusieurs de ces titres ont été réédités en grands formats (13 x 22,5) comme le sont les nouveautés les plus récentes. La plupart sont aussi disponibles en format PDF et ePub. Seize illustratrices et illustrateurs ont imaginé les couvertures de premières de ces 138 ouvrages, consacrant l’image de marque de la collection : 

François Pierre Bernier

Steve Bolduc

Pascal Colpron

Jeik Dion

Bernard Duchesne

Marie-Chloé Duval

Jean-Michel Cholette

Grégory Fromenteau

Jacques Lamontagne

Émilie Léger

Jean-Pierre Normand

Jean Pettigrew (Le Détectionnaire)

Laurine Spehner

Svend Rasmussen Svendsen

Sumo

François Vaillancourt

* * * * * 

Jean Pettigrew qui, depuis 1981, a publié une cinquantaine de nouvelles, novelettes et novellas et une demi-douzaine de pièces de théâtre interactif, a aussi été l'éditeur de la revue Alibis : la première et la seule revue québécoise professionnelle entièrement consacrée à la littérature policière, au mystère, au noir et au thriller. Le premier numéro avait été lancé en novembre 2001, le dernier fut publié à l’automne 2016. J’ai la chance de posséder les 60 parutions trimestrielles de la collection.

Premier et dernier numéro de la revue Alibis

On y trouve des recensions critiques, des entrevues originales d'auteurs (québécois et étrangers), des articles sur les divers corps de métiers au sein de la police (profileurs, artistes judiciaires, enquêteurs spécialisés), des essais sur l'histoire du roman policier (au Québec et ailleurs) et des essais sur les liens étroits entre la fiction et la réalité. La revue a aussi offert aux auteur,es du Québec « un endroit bien identifié où publier des nouvelles policières » : 

« Alibis a favorisé l’éclosion d’un milieu spécialisé en devenant un tremplin pour les écrivains d’ici rompus à la pratique du genre, mais surtout un lieu de convergence pour les nouvelles voix. De plus, Alibis était […] la principale – sinon la seule – source d’information spécialisée afin de guider les amateurs vers les incontournables du genre, les nouveautés essentielles et ces pépites qui, trop souvent, seraient passées inaperçues sans l’œil aguerri de nos spécialistes. D’ailleurs, plusieurs libraires nous l’ont souligné au fil des années : Alibis a grandement aidé la fréquentation de leur rayon polar. De plus, il ne faut pas oublier les enseignants et responsables de bibliothèques scolaires et publiques qui trouvaient dans la revue de quoi alimenter leurs connaissances. » 

Après l’arrêt de sa publication, un site Web et une page Facebook ont prolongé dans le temps sa mission informative jusqu’au 31 décembre 2023, comme l’ont annoncé quelques semaines plus tôt les administrateurs : 

« C’est avec tristesse, mais également avec la satisfaction du devoir accompli, que nous annonçons la fermeture du site « revue-alibis.com » au 31 décembre prochain. Pourquoi cette décision et pourquoi maintenant ?

 

[…]

 

Or, sept ans après la disparition de la revue Alibis, force est de constater qu’il existe désormais nombre d’espaces numériques qui font aussi bien, sinon mieux, que ce que nos ressources réduites nous permettent d’accomplir. La revue Alibis avait aidé le polar québécois à s’établir ; le site « revue-alibis.com » a donné une vitrine au genre ; il est temps, aujourd’hui, de nous retirer. En terminant, nous tenons à remercier toutes les personnes qui, au fil du temps, ont contribué de manière bénévole à l’alimentation de cette source. » 

Comme annoncé, à la fin de l’année 2023, le site « revue-alibis.com » – et sa page Facebook – sont malheureusement disparus du Web [il ne rester que quelques images d’un certain nombre de couvertures de première]. Du moins à partir des principaux moteurs de recherche en ce qui concerne le site. 

Car, bonne nouvelle pour les internautes qui souhaitent continuer de consulter la dernière mise à jour en date du 28 décembre 2023 : une copie complète du contenu a été automatiquement sauvegardée par la Wayback Machine (« machine à revenir en arrière », base de données à interface publique) : 


Le site Web d’Internet Archive offre depuis 1996 un accès à des clichés instantanés de pages Web et autres documents d’archives de milliers d’organismes. Plus de 99 pétaoctets (99 000 000 de gigaoctets) de données y étaient stockés au début de janvier 2024 !  

Comme Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) rassemble elle aussi une collection (Archivage Web) qui regroupe une sélection de sites Web québécois archivés à des fins historiques, « revue-alibis.com » aurait dû y être versé.

À noter que le contenu du site des éditions Alire n’y a été archivé qu’une seule fois le 3 février 2017 comme on le voit ci-dessous !

 


 

Il serait souhaitable que la préservation de son contenu soit actualisée.


Quant à la collection des 60 numéros imprimés de la revue Alibis, son dépôt légal rétroactif devrait être effectué auprès de BAnQ pour assurer la pérennité de la conservation du patrimoine québécois unique en matière de littérature policière. 

À noter que les numéros 49 à 60 (2014-2016) de la revue en format numérique peuvent être consultés sur les postes informatiques sécurisés dans les édifices de BAnQ. 

Plusieurs numéros sont disponibles en formats papier et numérique sur le site de leslibraires.ca.

Longue vie aux éditions Alire et aux littératures du crime au Québec ! 

 

Sources : site Web des éditions, pages Wikipédia et divers articles de médias. Merci à Philippe Turgeon des éditions Alire pour la révision des titres publiés.